Covid-19 (part 2) : un impact différent selon les secteurs

Par Franck Nassah, Vice Président Digital Business Innovations chez PAC France

La très rapide propagation actuelle du corona virus et les effets induits sur la vie publique changeant quotidiennement ne permettent pas vraiment d’évaluer de manière définitive les effets de la crise sur l’économie mondiale et française. Toutefois, il apparaît déjà que les secteurs seront touchés avec des intensités différentes.

Dans certains secteurs, tels que les services publics ou les opérateurs télécoms les activités se poursuivent en grande partie normalement (pour autant qu’on puisse le dire actuellement) et les effets à court terme de la crise liée au Covid-19 sur les dépenses informatiques sont plutôt réduits. D’autres secteurs, en revanche, comme le transport, les services (avec notamment toute la partie liée au tourisme et à la restauration), l’industrie ou encore le retail (notamment toute la partie non alimentaire qui est actuellement fermée) sont fortement impactés.

  • Le secteur du transport est le plus fortement touché par les effets de la crise liée au Covid-19. La situation d’Air France, par exemple, qui a suspendu 90% de ses vols pour les deux prochains mois, avec ses filiales HOP et Transavia qui ont stoppé l’intégralité de leur vol, ou encore l’aéroport d’Orly qui va fermer à partir du 31 mars 2020 au soir, est très préoccupante. Cela entraînera des pertes de recettes considérables et donc des économies de coûts massives, y compris bien sûr les dépenses liées aux projets informatiques.
  • La situation est différente dans le transport de marchandises. Pour les prestataires de services de colis tels que DHL, la situation a d’abord été positive grâce à l’augmentation des commandes en ligne, même si de nombreux sites ne proposent plus la livraison aujourd’hui (sauf éventuellement pour de l’alimentaire). Le marché du transport industriel de marchandises s’est effondré (par rail, route et bateau) en raison d’une part, des arrêts de production dans l’industrie manufacturière et, d’autre part, de l’interruption des chaînes d’approvisionnement, y compris la fermeture des frontières. Dans les transports publics, la fréquence des services de transport est réduite en raison de la diminution du nombre de passagers ou de l’arrêt total des opérations (par exemple, Flixbus).
  • Le secteur des services est très largement impacté, notamment toutes les activités autour du tourisme et de la restauration qui se trouvent aujourd’hui à l’arrêt, ou quasiment. Les pertes économiques des entreprises de ce secteur vont être énormes et ne seront pas forcément compensées sur la fin de l’année (les hôtels ne peuvent pas louer plus de chambres qu’ils n’en disposent, par exemple). Au-delà de ne pas connaître la date de fin du confinement, il ne serait pas étonnant que la population reste toutefois assez prudente pendant un certain temps après cette période et ne se rue pas dans les restaurants, les théâtres, cinémas… (les lieux fermés / confinés avec un nombre important de personnes), ce qui implique un redémarrage progressif de l’activité de ce secteur.
  • Les effets de la crise vont aussi être très forts dans l’industrie. Les grands industriels tels que Airbus, PSA, Renault, Toyota, MBDA, Safran, Alstom, Dassault Aviation et leurs fournisseurs comme Daher, Stelia, Valéo, Bosch, Continental… ferment tout ou partie de leurs usines de production. Le secteur industriel ressent également des retards dans la chaîne d’approvisionnement et n’est donc pas en mesure de produire des machines au même rythme qu’habituellement, par exemple. Même lorsque la production se poursuit sans pertes importantes, les machines ne peuvent pas être livrées à l’étranger en raison des restrictions d’entrée dans de nombreux pays et du manque de techniciens et d’ingénieurs pour mettre en service les machines et les installations sur place. Si les fabricants de machines ont jusqu’à présent été réticents à accorder des droits d’accès à distance aux équipementiers de leurs usines (par exemple pour la surveillance des machines), ils seront probablement plus ouverts à ces solutions à l’avenir. On sait que lorsque les entreprises manufacturières ont eu des difficultés avec des interruptions dans la chaîne d’approvisionnement, les projets informatiques visant à rendre cette chaîne plus transparente et à identifier les risques plus tôt afin de pouvoir réagir plus rapidement (par exemple en utilisant des solutions d’IA) augmentent rapidement. Il y a fort à parier que nous observerons le même phénomène.
  • Pour le secteur du retail, les directives gouvernementales impliquent que seuls les magasins qui vendent des articles de première nécessité, comme l’alimentaire ou les pharmacies, peuvent rester ouverts. Cela entraînera des pertes de ventes considérables pour les détaillants concernés. Il faut s’attendre à des faillites ou à des fermetures, en particulier dans le cas des petits, mais aussi des moyens détaillants, ce qui réduira le marché IT adressable dans divers domaines. La fermeture de nombreux magasins entraînera également un changement de comportement d’achat en faveur du commerce en ligne, ce qui conduira à l’abandon d’une partie des magasins traditionnels à moyen et long terme. Par conséquent, les dépenses en matière IT se déplaceront également vers le commerce électronique. Les solutions d’IA qui aident les détaillants à optimiser leur logistique de distribution deviendront également intéressantes lorsqu’il s’agira de distribuer encore mieux les marchandises au sein du réseau de détaillants.

Dans un environnement aussi exceptionnel la mise en œuvre de projets informatiques est très difficile, voire peut devenir « la dernière des préoccupations » quand il s’agit de la survie de l’entreprise. Nous supposons que de nombreux projets seront suspendus (beaucoup l’ont déjà été). Et même lorsque la situation reviendra à la normale, nous nous attendons à ce que les projets informatiques soient réaménagés en fonction des priorités : la tendance à l’automatisation, qui est de toute façon évidente, va augmenter, tout comme la demande de solutions pour le maintien en condition opérationnelle à distance. Nous pouvons aussi penser que la transformation numérique des entreprises risque de s’accélérer. En effet, celles qui sont aujourd’hui dans une situation très compliquée car elles n’étaient pas prêtes pour le télétravail de manière massive vont devoir s’équiper (ou se sont déjà équipées en urgence), celles qui ont l’habitude des prestations en régie sur site vont peut-être réfléchir à la forfaitisation de projets qui pourraient être réalisés à distance (avec les outils adéquats).

L’impact de cette crise va être très violent pour certains secteurs. Il faut aujourd’hui espérer que la « casse » ne soit pas trop importante, que l’activité économique puisse repartir « à la normale » d’ici la fin de l’année et que les fournisseurs IT réussissent à accompagner leurs clients pour sortir de cette crise « par le haut » en les rendant plus forts, plus résilients et mieux préparés en cas de prochaine crise.

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