Par François Debray, Chef Produit Power Quality chez EATON
Dans le secteur des données et des datacenters, la pandémie a été un catalyseur majeur en matière de développement de la numérisation. Heureusement, la plupart des technologies nécessaires pendant la crise existaient déjà et étaient prises en charge par les infrastructures de datacenters et de télécommunications.
Mais le point le plus important, c’est que ce changement est probablement irréversible. Si un catalyseur est retiré, les réactions qu’il a causées ne s’inversent pas d’elles-mêmes. La dépendance accrue vis-à-vis des centres de données (et, par extension, des infrastructures de télécommunications connectées à ces derniers) est vouée à perdurer.
Cependant le modèle qui a permis aux datacenters d’atteindre des niveaux de demande constants tout en traitant des volumes beaucoup plus importants durant des décennies arrive en fin de course. Notre économie et notre société exploitent au maximum le traitement des données, au moment même où nous devons diminuer notre consommation d’énergie si nous voulons lutter contre le changement climatique. Il n’y a pas de mégabits sans mégawatts, et comme la demande et la production d’énergie sont de plus en plus élevées, les niveaux de consommation d’énergie augmentent.
Le datacenter dans un monde de transformation de l’énergie
L’électrification affecte d’autres secteurs industriels, comme le transport ou le chauffage/refroidissement domestique et commercial. La demande en électricité va exploser et les opérateurs de datacenter devront relever des défis de taille pour accéder à une nouvelle production d’énergie.
La solution consiste à accélérer la production d’énergies renouvelables, non seulement pour répondre aux nouvelles demandes, mais également pour remplacer la production actuelle d’énergies fossiles. Les datacenters ne seront donc pas seuls face à ces défis. Les opérateurs de réseaux énergétiques seront eux aussi sous tension, car ils devront réaliser l’exploit d’augmenter l’approvisionnement tout en démantelant les usines à combustibles fossiles.
Cela pourra exercer une pression supplémentaire sur les utilisateurs finaux. Quant aux gouvernements qui fixent les règles et la marche à suivre des marchés énergétiques, ils devront prendre des décisions complexes et lourdes de conséquences sur la manière dont l’énergie devra être produite, gérée et distribuée en priorité. Dublin, par exemple, est devenu un datacenter majeur pour l’Europe, ceux-ci exploitent actuellement environ 11 % de la capacité du réseau irlandais avec des alertes sur le fait que ce chiffre va augmenter de manière significative, ainsi que des appels politiques pour un moratoire sur les nouveaux datacenters.
En prenant en compte toutes les parties prenantes, le domaine de l’énergie et des datacenters est désormais très complexe et nécessite donc de nouvelles politiques et stratégies. Le cas de l’Irlande est loin d’être isolé : il s’agit simplement du premier pays à devoir faire face à toutes ces nouvelles tendances.
Une capacité limitée implique une surveillance accrue
Les acteurs du secteur des datacenters (des grandes entreprises technologiques aux fournisseurs de services en passant par les propriétaires immobiliers) se sont habitués à obtenir de l’énergie dès qu’ils en ont besoin. Mais à mesure que de nombreuses sources de demande se manifestent, le rôle des datacenters sera examiné en détail. Le secteur peut prétendre que ses activités affectent la demande existante ailleurs, mais il ne peut ignorer les conséquences de la croissance de la demande.
Par conséquent, le défi des datacenters ne sera plus une question d’efficacité, mais de durabilité. De nouveaux indicateurs et de nouvelles approches en matière de conception et d’exploitation des datacenters feront l’objet d’un examen plus approfondi, tout comme l’énergie consommée par l’ensemble des infrastructures de télécommunications, dont les besoins énergétiques sont bien plus importants que ceux du secteur des datacenters.
Les entreprises de gestion de l’énergie dépendent des données, les données dépendent de l’énergie, et un écart important entre les demandes et les besoins va bientôt se creuser. À première vue, cette situation a l’aspect d’une crise. Cependant, cet écart pourra dans le même temps être à la source d’importants investissements et innovations. Pour le réseau électrique, il permettra aux entreprises privées émergentes et existantes de privilégier l’énergie renouvelable dont nous avons tant besoin.
L’opportunité du marché pour l’alignement des données et de l’énergie
Un marché vendeur pour l’alimentation électrique ouvre la voie à de nouvelles approches et à de nouveaux modèles. Pour les datacenters, il consolidera l’argumentaire économique favorisant une nouvelle relation avec l’énergie, non seulement en tant que consommateurs, mais également en tant que sites qui soutiennent le réseau grâce à des services énergétiques, au stockage et même à la production d’électricité.
Les données et l’énergie seront réalignées et, dans certains cas, l’alignement deviendra également une proximité physique. L’économie et la politique commencent à s’aligner de cette manière, et les datacenters pourraient non seulement offrir une réponse de fréquence, mais aussi fournir une alimentation directe et flexible au réseau. Le couplage sectoriel pourrait alors devenir l’un des principaux arguments pour le secteur des datacenters en 2022.
D’ici à la fin de l’année 2022 et au-delà, on peut espérer que les liens entre les données et l’énergie auront réellement été redessinés et consolidés, et que nous continuerons à constater la croissance des entreprises construites pour intégrer les datacenters aux solutions de transition vers les énergies renouvelables.