Par Patricia Benlloch, Manager marketing EMEA, Corning Optical Communications
Le partage d’infrastructures prend de nombreuses formes. Il peut s’agir de partenariats entre les fournisseurs de services de télécommunication, qui partagent notamment des antennes, poteaux et des sites, des bandes de spectres. De nombreuses innovations prônent ces modèles partagés et permettent aux opérateurs de travailler plus vite et de manière plus efficace, tout en exploitant les réseaux existants.
Le numérique prenant de plus en plus d’importance à l’échelle mondiale, les approches du partage d’infrastructures se diversifient. Les travaux de génie civil représentent 60 à 70 % des coûts totaux de déploiement d’une nouvelle infrastructure, particulièrement dans le cadre de projets de construction, le manque de collaboration et d’accès peuvent se poser comme des obstacles majeurs. Tout ceci peut être en grande partie résolus par le partage d’infrastructure.
Pour les communautés isolées et moins développées, où les défis liés aux infrastructures entravent leur accès au haut-débit et à l’électricité, les infrastructures partagées sont d’autant plus intéressantes. En Ouganda, la demande en électricité augmente d’en moyenne 10% par an, mais l’offre, elle, n’évolue pas de façon proportionnelle, et seul 7% des communautés rurales d’Ouganda sont reliées au réseau électrique et ont accès aux technologies d’information et de communication (TIC).
Penchons-nous sur un projet emblématique, qui a permis au partage d’infrastructures de passer au niveau supérieur, et a su exploiter les nombreuses opportunités pour transformer des communautés entière grâce à des solutions bien pensées pour ces sites en Ouganda. Comme pour beaucoup d’innovations, ce projet a commencé par une discussion entre les différents acteurs qui ont établi des objectifs, évoqué les freins potentiels et se sont mis d’accord sur une solution.
Apporter l’électricité et fibre optique dans les villages (E/FTTV) d’Ouganda
En juin 2017, GIZ, agence de développement allemande qui propose des services dans le domaine du développement international, a mis en place un séminaire « lab of tomorrow », aux côtés de l’agence d’Électrification Rurale (REA) et l’ADVA Optical Networking SE, afin de réfléchir à de possibles solutions aux enjeux structurels d’accès à l’énergie en Ouganda.
La solution est de mettre en place un concept d’infrastructure partagée dans les zones rurales d’Ouganda, appelée Electricity and Fibre to the Village (E/FTTV), qui vise à combiner des lignes de distribution d’électricité et des câbles de fibre optique, et créer ainsi un cercle vertueux, grâce au câblage aérien et à un écosystème TIC basé sur la technologie de visualisation des fonctions réseau d’ADVA.
Grâce au soutien d’acteurs du secteur de l’énergie, dont le ministère de l’Energie et du Développement Minéral ougandais (UMEME), l’autorité nationale des Technologies d’Information (NITA-U), la commission de Communication ougandaise et Corning, leur projet a pu devenir une réalité.
Le village de Buheesi – situé dans le district de Bunyangabu, à l’ouest de l’Ouganda et au sud de Fort Portal (le « centre touristique de l’Ouganda ») – est le chantier pilote de cette démonstration de faisabilité. La REA a construit une ligne électrique à voltage fort et moyen, qui se pose comme une plateforme idéale pour le modèle de partage d’infrastructure. La zone compte en outre de nombreuses institutions clés locales, telles que le siège et le centre communautaire du sous-comté de Buheesi, le lycée de Buheesi, le centre de santé Kiyombya III et le siège du sous-comté de Kiyombya.
Ces institutions ont dû surmonter de nombreux obstacles et de nombreux défis liés au manque de connectivité. Le laboratoire informatique du lycée, par exemple, est alimenté en énergie solaire, ce qui pose problème la nuit, génère des coûts de forfaits de données très élevés pour l’accès à internet, un service internet lent et précaire, ainsi qu’un volume de données insuffisant.
Le centre de santé Kiyombya III sert les patients du district et possède des ailes dédiées à l’orthopédie et aux maladies générales, ainsi qu’une aile supplémentaire qui propose un programme de thérapie antirétrovirale pour lutter contre le sida. Le personnel a été confronté à un processus de livraison de médicaments long et fastidieux, ainsi qu’à des difficultés de gestion des rapports mensuels dans les différents centres de la région.
Le village avait désespérément besoin d’une amélioration de la connectivité, mais sans analyse de rentabilité pour soutenir la cause, il était impossible de remédier à ce problème.
Surmonter les défis liés aux déploiement grâce au câblage aérien
La possibilité d’exploiter les lignes électriques préexistantes était cruciale afin de pouvoir connecter et étendre la fibre aux endroits clés de Buheesi. Comme pour de nombreux projets d’infrastructure partagée, cela a contribué à l’analyse de rentabilité du déploiement rural dans la région car cela a permis de réaliser des économies de coûts et de surmonter les difficultés logistiques liées à la construction d’un réseau souterrain distinct.
Corning a fourni 72 câbles de fibre aériens pour le projet, ainsi que des terminaux de lignes, de terminaux électriques et des petits terminaux muraux afin d’installer des terminaux internes aux bâtiments.
L’installation de la fibre en aérien se pose comme une alternative à l’installation souterraine traditionnelle, permettant un déploiement des connexions FTTH rapide et rentable dans les zones rurales. Corning a déjà déployé des câbles aériens en Australie, au Canada, en Espagne, au Royaume-Uni, aux Etats-Unis et entend à présent le faire en Afrique. Il s’agit d’une solution avantageuse dans les cas où l’installation souterraine n’est pas possible, ou bien très onéreuse (comme dans les régions montagneuses, notamment) ou bien lorsqu’il existe des infrastructures préexistantes (telles que les poteaux électriques ou les tours) pouvant être exploitées.
Grâce à sa facilité d’installation et aux infrastructures préexistantes dans de nombreux endroits, le câblage aérien accélère le processus d’extension du réseau à un coût très bas et permet une transformation numérique durable.
Corning propose un large panel de solutions de câbles aériens, dont plusieurs produits autoportants, ne nécessitant pas de câble de transmission spécifique soutenu par des poteaux, à l’image du câble diélectrique auto-portant ou All-Dielectric Self-Supporting cable (ADSS). Grâce aux services haut-débit, garantis par de solides réseaux de fibre, nécessaires pour permettre aux communautés de prospérer à long terme, ces solutions peuvent apporter l’accès internet à des zones parmi les plus reculées du monde.
Afin de garantir le bon déroulement du projet, l’équipe a mené une enquête de terrain dans le village, afin d’identifier les besoins exacts et de déterminer les détails de la planification. Elle a également organisé une formation, en association avec NITA-U, sur les meilleures solutions d’installation et de gestion de la fibre.
Le chantier a démarré en décembre 2020. Désormais, chacun des quatre sites est raccordé au réseau et est doté d’une connectivité internet grâce aux câbles de fibre optique. L’installation simultanée de la fibre en aérien et du réseau électrique permet d’économiser jusqu’à 40 % des coûts de déploiement liés aux travaux de génie civil et au droit de passage, tandis que l’écosystème TIC permet désormais l’utilisation d’applications telles que l’administration en ligne, la santé en ligne, l’apprentissage en ligne et les services financiers numériques.
Une période prolongée de contrôle et d’évaluation du réseau est mise en place, de manière à vérifier que tout fonctionne parfaitement, et afin d’identifier la marche à suivre pour les projets futurs.
Un futur connecté pour Buheesi
Les économies réalisées, ainsi que l’amélioration notable de la productivité sont autant de signes d’un pari réussi, à réitérer dans d’autres régions. Pour la communauté de Buheesi, longtemps entravée par son manque d’infrastructure, un futur plus connecté et plus productif s’annonce :
Joseph Businge, enseignant au lycée de Buheesi : « Depuis que nous sommes alimentés en électricité et possédons ces ordinateurs, la prise de notes est plus facile. L’enseignement est désormais plus vivant. »
Kenneth Bajeenja, secrétaire du Conseil Municipal de Buheesi : « Nous avons par le passé été confrontés à de nombreux défis. Nous ne pouvions pas imprimer notre travail. Si nous voulions avoir accès à internet, il nous fallait aller au café en ville. Maintenant que nous avons des ordinateurs, quand il faut écrire un rapport, c’est toujours fait à temps. »
Julius Ategeka, responsable du centre de santé Kiyombya III : « Le centre de santé Kiyombya III est connu pour être excentré, et pourtant c’est un dispensaire très fréquenté. En ayant accès à l’électricité, nos prestations de services devraient augmenter. Nos rapports mensuels seront compilés au bon moment. Cela nous simplifiera probablement la vie. »
En Afrique et ailleurs, les infrastructures partagées joueront un rôle clé pour répondre à des objectifs de déploiement ambitieux, mais l’installation de câbles aériens sera également essentielle pour relier les zones les plus rurales et excentrées, ainsi que pour mettre en place des connexions réseau temporaires. De nombreuses applications sont présentes en EMEA y compris dans des pays développés.
« Avec des années de recul, marquées par des avancées et des étapes importantes, nous pouvons dire avec assurance que la résolution de problèmes est dans l’ADN de Corning. Ce projet est un exemple de plus qui montre que les enjeux de connectivité peuvent être résolus grâce à une collaboration étroite et une approche créative, et nous sommes fiers d’y jouer un rôle », déclare Werner Smit, Directeur commercial principal chez Corning.
« C’était un honneur pour nous de soutenir les efforts ambitieux de nombreux partenaires et de mener une analyse de rentabilité, qui, nous l’espérons, permettra véritablement de garantir la connectivité dans les zones isolées grâce aux infrastructures partagées. Les opportunités sont multiples pour répliquer ce modèle dans d’autres régions, et cela pourrait jouer un rôle important dans la démocratisation de la révolution numérique à l’échelle mondiale », conclut-il.