Dans la nuit du 14 au 15 février 2021, en pleine tempête Storm Uri, le Texas a frôlé la catastrophe ! A 1 h 43 environ, et durant 4 minutes et 23 secondes, le système électrique est passé à une fréquence de 59.302Hz (contre 70Hz en situation habituel). Soit sous son seuil d’urgence fixé à 59,4Hz… S’il était passé sous la barre des 53,3HZ, soit une baisse marginale de 0,002Hz, le système complet aurait subit des dispositifs automatiques appelés » relais de délestage sous fréquence « , qui auraient réduit automatiquement la charge et privé d’électricité la majorité du Texas.
Du côté des datacenters – environ 200 dédiés à la colocation au Texas -, la résilience lors des coupures de courant a été de mise. C’est bien d’ailleurs ce que les clients leur demande. Ainsi, la plupart des grands exploitants de datacenters sont passés aux générateurs diesel lorsqu’ils ont été victimes de coupes roulantes et ont pu maintenir les services. Equinix, Digital Realty et QTS ont confirmé le maintient de la disponibilité pendant l’urgence, ce que les principaux fournisseurs de cloud ont confirmé. Pour autant, certains datacenters ont eu du mal à mettre les clients hors ligne. Et beaucoup de services ont été interrompus, particulièrement dans la santé, sans possibilité de faire appel aux PRA eux mêmes impactés par la tempête.
Le réseau électrique texan a dans sa quasi totalité manqué de capacité. Pour stabiliser le système afin de permettre au réseau de revenir au-dessus de la barre cruciale de 59,4Hz, les responsables des réseaux ont porté le délestage total durant la nuit à 10 500 MW. Et 5,2 millions de Texans ont été privés d’électricité. Les principales victimes nous sont connues, ce sont les particuliers qui en contrepartie d’un contrat financièrement plus avantageux ont accepté de subir les délestages, ce qui se traduit par des coupures de courant, et des tarifs prohibitifs en cas de consommation.
C’est ce que révèle l’ERCOT (Electric Reliability Council of Texas) dans son rapport définitif sur la tempête de froid qui a paralysé le Texas en février.
La tempête était annoncée, et même si ses effets ont certainement été minimisés, l’ensemble du réseau électrique texan se tenait prêt à subir des pannes liées à la chute de la température et à délester une partie de sa production. Ce qui n’a pas manqué de s’imposer. Les centrales à charbon ont à peu près tenu, elles ont cependant connu des pannes modestes et imprévues. Les centrales diesel et les centrales gaz ont subi de nombreuse pannes, ainsi qu’au moins une centrale nucléaire, dans le sud de l’Etat. Seule l’hydroélectricité a tenu sa charge, mais elle ne représente qu’un très petit pourcentage de la capacité sur le marché texan. Et l’éolien s’est trouvé propulsé à la seconde place des fournisseurs d’énergie.
D’où sont venues les pannes ?
Le Texas est l’Etat pétrolier par excellence. La majorité des centrales de production électrique, mais également les productions de secours fonctionnent au diesel. Par grand froid, le diesel gèle à 0°. S’il est traité antigel, il gèle à -9,5°. Mais s’il est à faible teneur en soufre (c’est le cas en France), on l’appelle alors ultra-diesel, il est plus vulnérable au froid. Au Texas, le carburant diesel n’est généralement pas traité.
Lorsque le diesel est sur le point de geler (vers -1°, mais ce point peut varier de quelques degrés dans les deux sens, selon le lot), il ‘givre’. Le givrage, c’est l’eau présente dans le carburant qui commence à geler, ce qui est diffiicle à repérer. Puis entre -4° et -7° environ, le diesel se ‘gélifie’. Le processus de gélification est visible sous la forme d’un dépôt cireux sur les filtres à carburant des générateurs diesel. Or, les installations de production d’électricité, en particulier dans le sud du Texas, ne sont pas durcies pour affronter les variations de température.
Pour des raisons purement financières, le traitement de fonctionnement hivernal pour le carburant diesel n’est pas considéré par l’industrie texane, ce qui explique la multiplication des pannes. Qu’il a fallu palier en important d’urgence du carburant diesel de 12 d’Etats américains. Dans les datacenters, cela s’est fait pour la majorité en application des contrats de fourniture passés avec les pétroliers. Le reste de l’industrie, le secteur de la santé et les particuliers n’ont pas eu cette chance…
Le coût économique total de la tempête de février 2021 au Texas a été estimé à 195 milliards de dollars. Devraient suivre une révision des recommandations à l’industrie, de nouvelles règles de durcissement, et probablement une nouvelle législation pour éviter que la catastrophe évitée de l’hiver 2021 ne se déroule dans les prochaines années.