Europe – Vers un label ‘vert’ pour le gaz et le nucléaire, et ses effets sur le datacenter

Fruit d’un affrontement entre l’Allemagne et la France – la première pesant de toute sa puissance pour porter le gaz, tandis que la France tente de maintenir la position du nucléaire dans la production énergétique – le projet européen de ‘taxonomie’ des activités vertes, essentiel pour la filière, devrait pouvoir consolider la place de chacun.

L’affaire semblait bien mal engagée, l’Allemagne pesant de tout son poids pour faire reconnaître le gaz naturel dans la production d’électricité ‘verte’ – ce qui en soit est un mauvais signal qui va à l’encontre des objectifs de réduction des émissions -, mais également pour écarter le nucléaire de cette reconnaissance, ce qui aurait un effet potentiellement désastreux pour un pan de l’économie industrielle française.

Le texte rendu par la Commission européenne le 31 décembre au soir aura sans doute le mérite de permettre de ménager la chèvre et le choux. Certes, l’Allemagne semble la grande gagnante du conflit, l’Europe va certainement valider l’intégration du gaz dans la taxonomie ‘verte’ européenne. Ce qui permettra aux acteurs du gaz de bénéficier de financements attractifs.

Or, le texte se montre également conciliant pour le nucléaire, porté par la France et une dizaine de pays européens qui ont des projets nucléaires, qui pourrait si le vote définitif est favorable également rejoindre la taxonomie ‘verte’ européenne.

Ce projet de label européen est important pour les deux filières. Rappelons que cette taxonomie est une complexe grille d’analyse des projets qui aide à orienter les flux de financements vers la transition écologique. Intégrer la taxonomie, c’est reconnaître les investissements dans les centrales nucléaires ou à gaz pour la production d’électricité comme ‘durables’.

Les bénéfices attendus de la taxonomie européenne

Figurer dans la taxonomie, c’est permettre aux projets d’accéder à des financements privés et institutionnels au titre de la contribution à la réduction des gaz à effet de serre. Avec deux étapes à l’échelle européenne, 2030 (qui concerne directement les datacenters), et 2050 (qui concerne plus largement l’industrie).

  • Concernant le gaz, les projets de centrale à gaz ne pourront obtenir un permis de construire à partir de 2030 que s’ils s’engagent à émettre moins de 100 g de CO2 par kilowattheure. Ce qui s’avère impossible actuellement à la vue des technologies en place. C’est pourquoi le seuil d’émissions des centrales à gaz qui obtiendront un permis de construire avant 2030 est fixé à 270 g de CO2/kWh.
  • Concernant le nucléaire, si la Commission maintient à terme sa ligne de supprimer toutes les centrales nucléaires, les nouveaux projets pourront obtenir un permis de construire avant 2045. Quant aux travaux pour prolonger la durée de vie des réacteurs existants, ils devront avoir été autorisés avant 2040. La Commission exigera également des garanties sur le traitement des déchets et le démentellement des centrales existantes.

Ce que nous pouvons retenir…

La force de l’industrie européenne des datacenters repose en particulier sur le prix et la qualité de l’énergie, principalement en France qui bénéficie de l’engagement historique de l’Etat sur le nucléaire. En rejoignant la taxonomie ‘verte’ européenne, ce dernier bénéficiera des mêmes avantages financiers que le gaz et les autres énergies ‘durables’. Le nucléaire français pourra ainsi maintenir sa place dans le mix énergétique, malgré la volonté de pousser les ENR, avec toutes les questions qui les accompagnent.

Comme dans une centrale nucléaire les coûts de financement représentent une part importante de l’investissement initial, les conditions de ce financement influent fortement sur le prix de revient de l’électricité produite. Avec l’appartenance à la taxonomie, le coût des capitaux liés serait environ divisé par deux, ce qui rendrait le prix de revient par MWh 40 % moins cher…

Si l’Assemblée européenne confirme ce choix par son vote, certes l’Allemagne s’affichera gagnante, mais c’est toute l’industrie du nucléaire, décarbonée, qui bénéficiera d’un ballon d’oxygène, et par ricochet notre industrie du datacenter.