L’Ethernet 800 gigabits est à nos portes

Expertise Rosenberger OSI, rédigée par Harry Jacob, journaliste indépendant

La soif de bande passante augmente de plus en plus vite. C’est pourquoi de nombreux centres de données d’entreprise se sont fixé pour objectif de passer dès que possible à des infrastructures 400G. Les grands hyperscalers passent déjà au 800GbE – une tendance qui atteindra plus rapidement que d’habitude les grands et moyens centres de données. Lors du salon OFC 2022, de nombreux fournisseurs ont déjà présenté leur prise en charge du 800G. Les utilisateurs devront faire face à une multitude de normes et de variantes parmi les connecteurs.

Lors de l’OFC 2022 (Optical Fiber Communication Conference and Exhibition) à San Diego, l’accent a certes été mis sur l’Ethernet 400 Gigabit (GbE), mais le 800GbE est déjà en marche, comme l’a prouvé la session IEEE « Beyond 400G ». Des exposants comme Accelink, Eoptolink, Infinera, InnoLight Technology, Linktel, Marvell, Source Photonics et Surinno Photonics sont venus en Californie avec des émetteurs-récepteurs 800GbE. MultiLane, Keysight Technologies, Spirent Communications et Viavi Solutions, entre autres, ont présenté des équipements de test correspondants.

C’est remarquable dans la mesure où le 400GbE ne s’était pas imposé à grande échelle sur le plan commercial avant 2019. Mais la demande de bande passante augmente de plus en plus vite. Jusqu’en 2019, les opérateurs de réseau s’attendaient à un taux de croissance annuel du trafic de 25 %. Puis survint le coronavirus – avec le télétravail, les vidéoconférences en remplacement des voyages d’affaires et la télévision en diffusion continue chez soi au lieu d’aller au cinéma. Ainsi, le trafic mondial de données augmenta de 35 % en l’espace de 12 mois.

La tendance 800GbE s’est installée en Allemagne

En Allemagne, le débit de données du nœud de réseau central DE-CIX n’a augmenté que lentement jusqu’en 2019, mais d’autant plus au cours des deux années de pandémie : le débit de données moyen est actuellement supérieur de près de 60 % aux chiffres du début de l’année 2020. DE-CIX n’avait également fait passer son infrastructure à la technologie de réseau 400Gb qu’en 2019. À peine trois ans plus tard, le nœud Internet allemand, auquel sont connectés 1 100 réseaux, a annoncé la prochaine étape. En collaboration avec Nokia, le nœud de Francfort, réparti sur 35 sites, sera mis à niveau vers 800 Gigabit Ethernet d’ici le milieu de l’année.

Pour Thomas King, CTO chez DE-CIX, il s’agit d’une étape importante pour se préparer à l’avenir. Le plus grand nœud Internet européen, avec un pic de débit de données qui atteint désormais 11 Tbps, a besoin de matériel de dernière génération pour pouvoir offrir à ses clients des services de peering et d’interconnexion fiables et transparents à long terme, a souligné King. Ainsi, les serveurs Edge seront équipés de nouveaux modèles Nokia 7750 SR-14. Ceux-ci non seulement supportent le 800GbE, mais devraient également contribuer à une réduction significative de la consommation d’énergie.

Les hyperscalers poussent à la transition

Selon la société d’études de marché LightCounting, les émetteurs-récepteurs 200GbE et 400GbE des cinq plus grands opérateurs de centres de données en cloud et hyperscale – Alibaba, Amazon, Facebook, Google et Microsoft – atteindront leur apogée dès l’année prochaine, avant que les volumes ne diminuent à nouveau. En 2024 encore, les ventes d’émetteurs-récepteurs 800GbE des cinq premiers clients dépasseraient les ventes des deux générations précédentes.

Mais les grands hyperscalers ne sont pas les seuls à avoir besoin de beaucoup plus de bande passante à l’avenir. En effet, dans de nombreux autres domaines également, les volumes de données vont fortement augmenter. Les applications gourmandes en performances telles que la réalité augmentée et virtuelle (AR/VR), qui seront de plus en plus utilisées dans les années à venir, par exemple pour la maintenance et l’entretien dans l’industrie, les inspections vidéo par drones, par exemple d’éoliennes, de hautes tours et d’autres parties inaccessibles de bâtiments, le contrôle de la qualité par caméra et de nombreuses autres applications d’images en mouvement vont générer des volumes de données considérables, en particulier lorsque des formats vidéo à résolution encore plus élevée sont nécessaires, comme par exemple dans la télémédecine. Les réseaux de campus 5G, qui transmettent les données des capteurs et des machines aux serveurs de périphérie, et les réseaux publics 5G, qui accélèrent l’accès aux données mobiles, contribuent également à l’augmentation du volume de données, tout comme les applications d’IA gourmandes en données qui s’immiscent dans un nombre croissant de domaines de la vie courante.

La technologie 800GbE offre plus qu’une simple augmentation de la bande passante

Après l’adoption de la norme 800GBASE-R par l’Ethernet Technology Consortium en avril 2020, il a fallu moins d’un an pour que les premières puces DSP cohérentes de cinquième génération soient présentées. Entre-temps, toute une série de fournisseurs ont présenté des émetteurs-récepteurs correspondants, comme Hitek Systems, Marvell ou Microchip. La nouvelle génération de DSP, qui est fabriquée pour la première fois sur un processus CMOS de 7 nm, se caractérise par une série d’innovations.

Avec des débits de données plus élevés (>90Gbaud), la prise en charge de longueurs d’onde de 800G et l’adaptation flexible de la bande passante nécessaire, ils permettent un trafic réseau plus efficace. Les opérateurs de réseau peuvent ainsi réduire les coûts par bit par kilomètre et la consommation d’énergie en watts par bit par km est également plus faible que dans les générations précédentes d’émetteurs-récepteurs. Ils peuvent en outre configurer de manière plus flexible s’ils ont plutôt besoin d’une bande passante plus élevée ou d’une plus grande portée.

La normalisation progresse rapidement

Le groupe de travail IEEE 802.3 Ethernet a créé le comité P802.3df, qui doit définir des normes pour l’Ethernet à 800 Gb/s et 1,6 Tb/s. Le comité P802.3df a pour mission de définir des normes pour l’Ethernet à 1,6 Tb/s. A partir de là, il devrait également y avoir des normalisations supplémentaires pour les variantes 200 et 400 GbE.

Le développement de la technologie Ethernet permet d’augmenter les performances de deux manières. Là où il était possible jusqu’à présent d’atteindre 400 Gbit/s via 8 voies de 50 Gbit/s chacune (ou 56 Gbit/s bruts), le 800GbE permet d’utiliser 8 voies de 100 Gbit/s chacune (112 Gbit/s bruts). Les nouvelles normes permettent également de regrouper 2x400GbE en un flux de données 800GbE. Parallèlement, les nouveautés ont également un impact sur les variantes Ethernet précédentes. Avec les émetteurs-récepteurs de nouvelle génération, le 400GbE devient également possible avec 4x100GBit/s. Et les prochaines étapes se profilent déjà. L’année prochaine, 1.6TbE sera réalisé, avec 200 GBit/s par voie (brut : 224 GBit/s), ce qui permettra également de réaliser un 800GbE avec 4×200 GBit/s.

L’organisme de normalisation International Photonics & Electronics Committee (IPEC) a en outre présenté fin janvier les spécifications de base pour les interfaces 800G DR8 et 2x400G FR4. Les normes 800G DR et FR devraient suivre au cours du second semestre. Le groupe de travail PMD (Physical Media Dependent) de l’IPEC travaille sur une multitude de scénarios de réseau, dont la transmission 800G sur 500 m, 2 km, 10 km et 80 km.

Une transition sans heurt au niveau des interfaces…

Pour pouvoir profiter de ces améliorations de la bande passante sans trop d’efforts, il fallait fournir une transition simple de l’optique 400G à port unique vers l’optique 400G à double port dans le format 800G, qui permette de continuer à utiliser la base installée de connecteurs à fibre optique LC et MTP®/MPO.

Deux consortiums industriels concurrents de fabricants d’émetteurs-récepteurs ont présenté des spécifications en ce sens, qui concernent également les connecteurs pour le câblage en fibre optique du 800GbE. OSFP MSA (Multi Source Agreement) a ajouté le support du 800GbE au moyen de Dual-400G et Oktal-100G dans sa OSFP Module Specification (version actuelle : Rev 4.1) avec la révision 4.0 en mai 2021. Le consortium souligne toutefois que la spécification précédente permettait déjà d’atteindre 800GbE. Parallèlement, les travaux sur le futur 1.6TbE, qui doit être introduit avec la Rev. 5.0, ont débuté.

Presque en même temps, le groupe QSFP-DD MSA a étendu sa spécification matérielle 6.0 pour la première fois avec le standard QSFP-DD 800, qui mise également sur 2x400G ou 8x100G et qui doit être étendu plus tard à 1,6 Tbit/s avec 200Gb par voie. La transition en douceur de 400GbE à 800 GbE et 1,6TbE devrait ainsi être assurée.

…mais une diversification des connecteurs

Les applications 400 ou 800G peuvent être mises en œuvre de diverses manières. Cela augmente également la variabilité des connecteurs. Cette tendance était déjà perceptible avec le 400GbE et se poursuit avec les solutions 800GbE. En raison de cette complexité, il est recommandé aux exploitants de centres de calcul de se faire conseiller par des spécialistes du câblage comme Rosenberger OSI lors de l’implémentation d’applications 400 ou 800G et de jeter dès maintenant un coup d’œil sur les spécifications. En effet, lors du choix de la bonne solution de câblage, le cas d’application individuel est décisif.

Pour le standard multimode 800G-SR8 destiné aux courtes distances (jusqu’à 50 m), on utilisera d’une part l’ancienne technique MPO/MTP®, au choix dans la variante OM4 MPO/MTP® 16 avec biseau (APC8°), ou comme Dual MPO/MTP® 4+4 (OCTO), avec biseau droit (PC0°). En outre, les tout nouveaux connecteurs VSFF (Very Small Form Factor), comme le MDC ou le SN, sont en train de faire leur apparition. Le MDC (Miniature Duplex Connector) de US Conec, qui permet d’augmenter considérablement la densité des ports et donc d’économiser de la place dans le rack, est considéré comme ayant un grand potentiel pour l’avenir. Développé comme Media Dependent Interface (MDI) ou interface optique des nouveaux émetteurs-récepteurs SFP-DD et QSFP-DD, il pourrait à l’avenir prendre le pas sur le connecteur de masse LC-Duplex. C’est ce que l’on prévoit.

Pour le standard monomode 800G-DR8 (jusqu’à 2 ou 10 km), il faut également s’attendre à des variantes MPO/MTP® correspondantes, dans ce cas MPO/MTP® 16 APC 8° ou comme double MPO/MTP® 4+4 (OCTO) APC 8°. Il ne faut pas non plus oublier les connecteurs MDC et SN déjà mentionnés. Dans la variante 800G-DR4 pour des distances de 1 à 2 kilomètres, il est même prévu d’utiliser exclusivement le MDC ou le SN.

Les standards 800G-FR8 et 800G-LR8 permettent également de couvrir jusqu’à 2 ou 10 kilomètres. Ici, les fabricants continuent de miser sur les connecteurs LC, tout comme pour les 800G-FR4, 800G-ZR et 800G-ZR-Lite. Les 800G-2FR4 et 800G-2LR4 se distinguent par l’utilisation de connecteurs dual-LC, et ce dans deux variantes différentes : soit en LC duplex monomode (LC-Compact), soit en dual-mini-LC, que l’on trouve également sous la désignation mini-LC-Duplex.

Un savoir-faire actualisé est nécessaire

Le développement du 800GbE n’est pas encore terminé – d’autres normes sont déjà annoncées. L’augmentation de la bande passante grâce à des vitesses de transmission plus élevées par voie ou à de nouvelles combinaisons lors du regroupement de voies est en partie reprise dans les normes pour 200GbE et 400 GbE. Que cela signifie-t-il pour l’infrastructure, quels connecteurs sont nécessaires et qu’en est-il de la rétrocompatibilité ? Telles sont des questions auxquelles il faut répondre à chaque fois.