Dans le document d’enregistrement déposé par OVHcloud, dans le cadre de son projet d’entrer en bourse, auprès de l’AMF, l’Autorité des marchés financiers, la société s’est livrée à un travail de transparence, en particulier sur le prix de l’incendie de son datacenter de Strasbourg, en mars 2021. Y sont détaillés les impacts financiers et commerciaux du sinistre.
Le document est accessible ici. La section 3.4 consacrée aux « Risques liés aux activités d’OVHcloud » confirme que « OVHcloud est soumise aux risques résultant d’un incendie majeur dans son centre de données à Strasbourg« .
On y apprend que l’accident aurait interrompu 120 000 services et touché 65 000 clients.
Sur un plan financier, à la fois pertes de revenus et dépenses, le coût pourrait atteindre la somme de 105 millions d’euros, répartis en :
- 15,8 millions € de serveurs détruits ou endommagés par l’incendie
- 18,4 millions € de nouveaux serveurs en remplacement fabriqués dans l’usine OVH de Croix
- 10 à 12 millions € pour le renforcement de la sécurité incendie des datacenters
- 2,9 millions € de frais d’interruption de services
- 5,2 millions € d’avoirs en contrepartie des services interrompus
- 28,3 millions € de bons d’achat en dédommagement
- 39,2 millions € de charges exceptionnelles
Les charges exceptionnelles sont principalement composés d’une provision de 32,3 millions € « au titre de frais d’expertise, de frais de procédure et au titre des actions en responsabilité ». Sous entendu pour faire face aux actions en dommages et intérêts engagées contre OVH par des clients mécontents. L’usage de ces dernières sommes reste lié aux procédures, et porte donc sur une provision non encore engagée.
Pour autant, à ce jour, OVH a ou n’aura à verser que 61 millions, en effet les assurances devraient couvrir 58 millions € au titre de l’incendie.
Le document confirme également que « Certaines des installations d’OVHcloud pourraient être difficiles ou coûteuses à assurer à des niveaux« . « Bien qu’OVHcloud estime que sa couverture d’assurance est adéquate et conforme aux normes du secteur, à mesure que ses centres de données et ses installations de fabrication vieillissent, il pourrait s’avérer plus difficile et plus coûteux de maintenir des niveaux d’assurance adéquats à des niveaux qu’OVHcloud juge raisonnables. En outre, plusieurs des centres de données et installations de fabrication d’OVHcloud sont localisés dans d’anciens bâtiments industriels, ce qui pourrait être difficile à assurer de manière adéquate en raison de défauts potentiellement existants. »
Autre coût induit par la perte de confiance des clients, et donc la perte de clients, mais non chiffré ici, un ralentissement de la croissance du groupe estimé à 4,4% sur l’exercice fiscal 2021, à comparer aux 8,9% enregistrés sur l’exercice 2020. Le retour à la croissance affichée par OVH ces dernières années devrait prendre trois à quatre trimestres.
Rapporté au chiffre d’affaires d’OVHcloud, 632 millions € en 2020, le prix à payer reste considérable. Mais OVH a le soutien à la fois du gouvernement, qui en fait un leader de la stratégie française de cloud de confiance, et par les investisseurs attirés par les perspectives d’enrichissement liées à l’IPO. Toute autre entreprise ne se serait pas relevée d’une telle catastrophe, OVHcloud en a la capacité.
Mais une autre épreuve pourrait l’attendre, sa stratégie de s’installer dans des lieux vétustes ou de construire des datacenters en marge des pratiques du secteur – et parfois à risque, nous l’avons vu à Strasbourg – pourra-t-elle satisfaire les nouveaux investisseurs ? La même section consacrée aux risques du document remis à l’AMF ne s’en cache pas : « De nombreuses installations d’OVHcloud sont situées dans d’anciens bâtiments industriels qui pourraient présenter des défauts structurels et défaillances sur le plan environnemental existants« .